mercredi 18 février 2015

Meurtre chez les Magdaléniens

Après les Aurignaciens qui ont peint la grotte "Chauvet", je vais vous parler de Magdaléniens. Encore des Homo sapiens : ça commence fort pour un blog placé sous l'autorité de Neandertal! Le hasard fait ainsi les choses, mais c'est promis, je m'occuperai bientôt de ce dernier.
Parmi les livres laissés de côté ces derniers mois, je me suis plongé dans Meurtre chez les Magdaléniens, de Sophie Marvaud (Editions du Partrimoine/Nouveau Monde éditions, 284 p., 2014, 16€). Un roman préhistorique.
J'ai eu des difficultés au début à retenir les noms des protagonistes. L'auteur avait certainement conscience de cela (à moins que ce ne soit son éditeur), car les premières pages sont consacrées à la liste des personnages : Vitesse-de-Bison (le chef), Générosité-d'Aurochs (sa femme), Grâce-de-Biche (leur fille, la plus belle!) ou encore Agilité-de-Bouquetin (un cousin) flanqué de son épouse Affection-de-Lionne ; on rencontrera un peu plus tard Astuce-de-Renard et Energie-d'Ourse, et bien d'autres encore. Elle justifie en postface son choix de noms qui ont une signification, "comme c'est le cas dans toutes le cultures". Pourquoi pas. Cela donne toutefois à son récit un parfum tenace de "roman du Far West"
Mais ce qui m'a surtout fait tiquer dès le début, c'est la présence de ce qui se révèle comme l'héroïne principale de ce récit : Puissance-de-Licorne, la chamane du clan. Des chamanes chez les Magdaléniens? L'auteur écrit en postface que sur ce point, les travaux de Jean Clottes lui ont semblé convaincants. Une recherche bibliographique rapide lui auraient toutefois appris que, parmi les travaux de ce préhistorien, ce sont justement les moins convaincants au dire des autres spécialistes. Certains pensent même que ses écrits (et ceux d'autres) sur le sujet relèvent eux-mêmes du roman préhistorique.
Cet exemple n'est qu'une illustration du fait que Sophie Marvaud n'a pas échappé au piège tendu à tout auteur de roman préhistorique : la recherche de réalisme conduit immanquablement à ce que la part d'invention dépasse de loin la part documentaire. Les préhistoriens ont accumulé quantités de données sur la culture matérielle des Magdaléniens, et ils peuvent faire quelques conjectures raisonnables quant à leur organisation sociale. Mais c'est bien insuffisant pour fonder la moindre intrigue romancée. Les romans historiques profitent de zones d'ombre dans un contexte assez bien établi pour créer des personnages ou des situations fictives. Pour les romans préhistoriques, ces zones d'ombre sont si étendues que les proportions s'inversent.
Dans sa postface justificative, l'auteur indique, à propos d'une interprétation qu'elle fait de dessins rupestres "Lorsque j'ai présenté mon interprétation à un grand spécialiste français du magdalénien, il m'a dit qu'il ne connaissait aucun élément permettant de la réfuter". On obtiendrait sans doute de la part de ce scientifique anonyme et prudent la même réponse pour des centaines d'autres propositions.
Cela dit, accordons quand même à Sophie Marvaud d'avoir mis en scène des objets qui sont parvenus jusqu'à nous, et que l'on peut admirer dans quelques musées. Et de nous faire parcourir, avec ses personnages, les vallées de la Dordogne et de la Vézère, en visitant au passage quelques grottes ornées assez bien décrites. De quoi peut-être, donner envie au lecteur d'y aller voir par lui-même. Ce ne serait après tout pas si mal.


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