jeudi 21 mai 2015

Les plus anciens outils

J'ai rédigé un petit article publié ce matin par le quotidien L'Humanité à propos des plus anciens outils découverts par Sonia Harmand, du CNRS à Nanterre et de l'université Stony Brook, aux Etats-Unis. Il s'agit d'un débitage d'éclats sur des roches volcaniques, daté de 3,3 millions d'années, au Kenya. C'est un travail remarquable. Je reviens ici sur un point que je n'ai pas développés dans mon article.

Plusieurs commentateurs ont évoqué le fait que la découverte de Lomekwi confirmerait la découverte de "marques de découpe" sur des os par Shannon McPherron de l'Institut Max Planck de Leipzig, en Allemagne, et ses collègues (publiée en 2010 dans Nature). Ces marques sont datées de 3,39 millions d'années sur des os du site de Dikika, en Ethiopie.

En fait, m'ont fait remarquer Sonia Harmand, ainsi que Jean-Renaud Boisserie du CNRS à Poitiers, que j'ai également interrogé, c'est loin d'être le cas. Pour au moins trois raisons.

La première est la distance qui sépare Dikika de Lomekwi, 1 500 kilomètres environ. Ce n'est pas parce qu'un groupe d'hominidé a fabriqué des outils à peu près à la même époque dans une autre région que tous les hominidés faisaient de même. Selon Jean-Renaud Boisserie, si personne n'a encore trouvé d'outils en Ethiopie pour cette période, ce n'est pas faute d'avoir cherché.

La taille de la pierre n'était pas une activité universelle chez les hominidés de l'époque. On peut comparer la situation à celle des chimpanzés aujourd'hui. Certains groupes cassent des noix en les posant sur une pierre plate et en tapant avec une autre pierre. D'autres, dans des conditions écologiques identiques, ne le font pas mais éventuellement ont d'autres pratiques "outillées"). C'est d'ailleurs un argument utilisé pour parler de "culture" chez les primates.

La seconde raison est qu'il faudrait mettre clairement en relation les marques de découpe observées avec les outils eux-mêmes. Quelles traces les tranchants des éclats de Lomekwi ont-ils éventuellement laissés sur des os? Cela reste à étudier. Et rien ne dit qu'ils n'étaient pas utilisés en lien avec une alimentation végétale.

La troisième raison est, encore plus simplement, que ces marques de découpe n'en seraient peut-être pas. L'interprétation de traces aussi ténues est difficile. Même Tim White, de l'université de Berkeley, qui a publié de telles marques de 2,5 millions d'années sur le site de Bouri, aussi en Ethiopie, aurait des doutes sur l'origine de ces dernières.

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