lundi 22 juin 2015

Lascaux 4 et l'archéologie

Mardi 23 paraîtra dans L'Humanité un petit article que j'ai écrit après ma visite à l'Atelier des fac-similés du Périgord (AFSP), qui travaille en ce moment, et pour encore de nombreux mois, à la fabrication d'une réplique quasi complète de la grotte de Lascaux. Cette réplique prendra place dans le bâtiment du Centre international de l'art pariétal, actuellement en construction à Montignac. Je vous livre ici quelques remarques à propos des liens entre ce travail de réplique et l'archéologie, qui sortaient du cadre de l'article.

D'abord, le travail de reproduction "à l'identique" n'implique pas que les peintres et les graveurs contemporains cherchent à reproduire les gestes de leurs prédécesseurs d'il y a environ 18 000 ans. Seul le résultat compte! Par exemple, les gravures sont systématiquement réalisées d'abord, quelle que soit leur position réelle par rapport aux dessins et aux peintures. La couleur est déposée autour, ou au fond des traits, selon ce que l'on observe aujourd'hui.

Pas d'archéologie expérimentale donc dans cette fabrication de réplique, pas de tests d'hypothèses sur la façon dont a été peint tel ou tel ensemble de figures. Les délais, très brefs (31 mois pour 950 mètres carrés de panneaux), ne le permettaient pas. Et la reproduction de zones où les peintures ont été très dégradées par les courants d'air sur les parois nécessite de ne peindre que les résidus de celles-ci.

Ensuite, concernant les gravures, j'ai longuement discuté avec Gilles Lafleur, l'un des principaux artistes de l'AFSP. Dans le Passage, par exemple, mais aussi dans l'Abside et dans la Nef, trois parties de la grotte qui n'avaient pas été reproduites pour Lascaux 2 (certains panneaux de la Nef sont présentés dans l'exposition dite Lascaux 3, ainsi que dans le centre d'interprétation du Thot), les gravures présentes sur les parois sont extrêmement nombreuses, et très enchevêtrées. Et elles n'ont jamais été étudiées complètement.

Les travaux de l'abbé Glory, dans les années 1950 et 1960, se sont arrêtés en 1963, à la fermeture de la grotte au public. Et sa mort brutale, dans un accident de voiture en 1966, ne lui a pas laissé le temps de publier ses résultats. Ses calques de relevé, retrouvés en 1999, ont été numérisés, et sont utilisés par Gilles Lafleur, qui les a recollés numériquement sur le modèle 3D de la grotte issu du relevé laser. En étudiant attentivement l'ensemble, afin de préparer le travail de gravure, il a découvert plus d'une centaine de figures animales supplémentaires, soit une augmentation de près de 15%.

Malheureusement pour l'archéologie, Gilles Lafleur n'est pas préhistorien. Et il n'a pas le temps, il a une grotte complète à reproduire (avec une trentaine de collègues quand même). J'ai donc senti qu'il était peu probable qu'il publie un jour ses résultats. Ce serait pourtant diablement intéressant. En particulier, cela équilibrerait peut-être les comptages par espèces des animaux représentés dans la grotte. Les spécialistes d'art pariétal préhistorique sauront-ils faire taire leurs querelles, afin que des doctorants soient autorisés (que dis-je, soutenus et encouragés) à étudier ces gravures à partir de la modélisation numérique de la grotte? Connaissant le milieu, hélas, je n'y crois pas trop.



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